Interview Michel Callot : « Resserrer les rangs autour de nos valeurs »
Les Jeux Olympiques approchent, et bien sûr la FFC s’y prépare. Mais la vie continue, et le travail de développement se poursuit.
Pour nous, Michel Callot revient sur les missions fédérales, leur sens et les moyens à se donner pour les accomplir. Partage des compétences, professionnalisation et autonomisation financière des clubs, valorisation de la compétition et de ses vertus, nécessité d’être militant et de resserrer les rangs, tels sont les thèmes abordés dans cet entretien.
Intégralité de l’interview de Michel Callot, président de la FFC
Les Jeux Olympiques approchent, quelle place occupent-ils dans l’activité globale de la Fédération ?
D’une façon générale, en tant que fédération délégataire, la FFC a la responsabilité de la haute performance.
Les Jeux Olympiques occupent donc une place unique tous les 4 ans, mais cette année plus que jamais puisqu’ils ont lieu en France – les Jeux à la maison, athlète ou dirigeant, ça n’arrive qu’une fois dans une carrière ! Mais par ailleurs, tous les acteurs du mouvement sportif auront l’œil braqué sur nos performances : l’État, nos partenaires. Nos clubs et nos licenciés, aussi. Nos athlètes portent donc un enjeu conséquent. À nous de veiller à ce qu’ils n’en soient pas fragilisés. D’où les dispositifs d’accompagnement renforcés que nous avons mis en place autour d’eux. C’est la première fois qu’on a un directeur de la performance olympique, en la personne de Florian Rousseau. Son vécu lui confère une autorité naturelle et une crédibilité irremplaçable auprès des athlètes.
Parmi les 5 disciplines concernées, où sont nos meilleures chances de médailles ?
Je dirais que notre trajectoire olympique repose non pas sur cinq mais six disciplines car, sur piste, il faut séparer l’endurance et le sprint. Or, chacun de ces six collectifs semble suivre les rails qu’il s’était proposé de suivre vers l’échéance. Nous avons plutôt cherché à cloisonner les progressions, de sorte qu’une éventuelle crise ou difficulté localisée ne se propage pas à l’ensemble de l’Équipe de France.
Nos œufs ne sont donc pas dans le même panier et, pour autant, sur le papier, le nombre de nos médaillables se répartit de façon équilibrée sur les six disciplines.
Globalement, on constate sur les deux dernières années une régularité rassurante des performances. Le reste, c’est la part de l’imprévisible : telle est la vie sportive, faite de travail acharné et d’aléas.
Cependant, même en année olympique, la fédération poursuit sa vie habituelle ?
Tout à fait. Ce qui est significatif, par exemple, c’est que, c’est en année olympique que nous lançons le premier championnat de France de Snow Bike, le premier championnat de France de Gravel. Nous continuons notre progression. Nous ne négligeons pas notre travail de base, qui est de développer toutes nos activités, et ça ne s’interrompt pas en raison des Jeux Olympiques.
Cette valorisation de la compétition concerne-t-elle seulement le haut niveau ? Faut-il considérer que tout compétiteur doive viser le haut niveau ?
Par définition, la compétition consiste à viser son meilleur niveau possible, mais de façon raisonnée et réaliste. C’est pourquoi il existe des catégories.
Ce qui est clair, c’est que la compétition est notre ADN, et que nous devons la préserver, la valoriser .
À la fois la compétition en tant que telle, qui a des vertus intrinsèques, et la trajectoire qui peut amener au haut niveau. Je considère qu’un jeune qu’on accueille dans un de nos clubs doit pouvoir se projeter vers une carrière de haut niveau. Nous sommes là pour lui en donner les moyens. Et il faut faire en sorte que tous nos clubs en soient capables, qu’il n’y ait pas d’écarts significatifs de ce point de vue.
De quelle façon, concrètement ?
Eh bien, par exemple, en favorisant le partage et l’homogénéisation des compétences. C’est pourquoi nous avons tenu à publier ces gros mémentos à destination des éducateurs, conçus un peu comme des manuels pédagogiques, exposant tous les attendus d’une discipline.
Nous avons la volonté de partager dans toutes nos structures l’expertise issue du haut niveau.
L’obligation de remise à niveau faite à nos éducateurs va dans le même sens, de sorte qu’ils travaillent tous avec des méthodes d’aujourd’hui. Je reçois parfois des courriers de protestation sur ce point : on argue de ses 20 ou 30 ans d’expérience. Or, bien sûr, l’expérience est précieuse, mais seulement si elle s’articule à l’actualité des compétences. Les jeunes qui arrivent aujourd’hui ne doivent pas être éduqués sportivement avec les méthodes d’il y a 30 ans. D’autant que nous avons la chance de bénéficier des enseignements du très haut niveau, avec tous ses moyens d’expérimentation, de collaboration avec la recherche scientifique la plus pointue, etc. La DTN déploie des trésors d’énergie pour vulgariser et rendre accessible à tous cette expertise issue du très haut niveau.
Cela ne nous renvoie-t-il pas au fait que comme toute discipline sportive, le cyclisme est affaire d’apprentissage ?
C’est ce que les nouvelles disciplines sont venues nous rappeler. Prenez le freestyle : si on n’a pas les bons gestes au départ, si personne n’est là pour vous les enseigner, pas de progression possible, ou alors extrêmement limitée. Même chose pour le BMX Race : rouler sur les bosses ou se lancer de la butte sans être conseillé de très près, c’est mission impossible.
C’est un point très important, qui vient nous rappeler ce que nous avons perdu de vue en cyclisme traditionnel : le vélo, ça s’apprend. Autrement dit, ça s’enseigne !
Le geste de pédaler, son économie, sa précision, tout cela ne va pas de soi. Pourtant, une fois qu’un enfant tient sur deux roues on considère qu’il « sait faire du vélo » et qu’il n’a plus rien à apprendre de ce point de vue gestuel. Alors qu’on devrait donner des cours de vélo comme on donne des cours de ski, de tennis, ou de judo. Personne ne songerait à entrer dans un dojo sans professeur ! Dans tous les autres sports que le nôtre, on trouve normal de payer pour apprendre.
D’ailleurs, au tout début, le seul fait de « tenir sur deux roues » ne va pas de soi. Revient-il forcément aux parents de l’enseigner aux enfants ?
En tout cas il est assez symptomatique que cet apprentissage basique, premier, ne soit pas pris en charge par nos écoles de cyclisme.
Je me souviens de cette mère dont le fils avait des difficultés motrices, qui comptait donc sur l’école de cyclisme fédérale (excellente par ailleurs), et qui était sidérée de s’être entendu répondre que l’enfant devait d’abord savoir faire du vélo pour être admis ! N’est-ce pas paradoxal, en effet ? Nous devons changer cette culture. Il faut valoriser l’expertise détenue dans les clubs traditionnels, c’est-à-dire commencer par prendre conscience de sa valeur. Car elle est monétisable, et susceptible d’améliorer notre modèle économique, donc le projet associatif des clubs !
Globalement, la question est celle de l’autonomie financière de nos clubs, là où les organisations ne suffisent plus ?
Absolument. Et il convient de profiter d’une période favorable, le vélo est au cœur des enjeux de société, ce qui ouvre naturellement la voie à un certain nombre d’activités que nous sommes en mesure de proposer. La demande existe, à nous de la faire fructifier. Les deux leviers les plus évidents sont le SRAV [savoir rouler à vélo] et le cyclisme-santé. Et puis, simplement, il y a le sport-loisir. Le fait, comme je l’ai dit, d’avoir la compétition pour ADN ne doit pas nous empêcher d’accueillir les pratiquants désireux de faire du sport sans compétition. Quels meilleurs éducateurs, quelle meilleure culture que la nôtre pour ces pratiquants ?
Nous avons dit que la demande sociétale est une opportunité pour nos clubs. Inversement, quels sont les devoirs d’une fédération envers la société ?
Une fédération délégataire doit veiller à la santé de ses pratiquants, et cela recouvre beaucoup de choses. Évidemment les sujets de dopage, les sujets de violence, les sujets d’entrainement, notamment pour les jeunes qui ne doivent pas compromettre leur santé future par souci de performance. Cela recouvre aussi toutes les questions de sécurité, gigantesques, ne serait-ce que parce que nous sommes utilisateurs de la voie publique. Tous ces sujets sont d’ailleurs plus ou moins sur le devant de la scène au plan sociétal.
La liste des responsabilités qui incombent à la FFC en tant que fédération délégataire n’ouvre-t-elle pas la voie à une concurrence déloyale des fédérations affinitaires ?
Nous avons mission de service public, et sommes fiers de l’assumer.
Mais les affinitaires quant à elles, n’ont pas à supporter toutes les charges qui y sont associées, notamment celles du haut niveau. De plus, étant des fédérations multisports, elles bénéficient par rapport à nous de certains avantages concurrentiels, par exemple en matière d’assurance, où elles peuvent mutualiser les risques avec des disciplines qui en comportent peu.
Ensuite il y a une question de vocation. Ces fédérations multisports ont vocation à éveiller la pratique, mais dans le système du sport français c’est aux fédérations délégataires que revient l’organisation de la compétition, qui s’entend comme un système de détection et de progression. Nous avons la charge de produire les règles techniques et de sécurité, la préoccupation de maintenir les équilibres avec les services de l’État, etc. Cela demande du temps et des moyens. Dans ces conditions, le fait que les fédérations affinitaires viennent parler à nos clubs en leur laissant miroiter des avantages purement économiques, est un dysfonctionnement.
Car ces avantages sont adossés à un travail de fond de la FFC !
Et comment s’y prendre, pour renvoyer chacun à ses prérogatives ?
En agissant fermement chaque fois que la règle n’est pas respectée. Tous les membres d’un club affilié à la FFC doivent être licenciés à la FFC. Nous devons dire à nos clubs (spécialement quand ils sont directement concernés par des dispositifs activés par la fédération, tels labels, sélections, etc.) qu’ils ne peuvent pas prendre que les avantages dans les différentes fédérations, mais qu’ils doivent jouer le jeu. Nous avons trop laissé filer, mais beaucoup de licenciés affinitaires sont dans nos clubs.
Nous devons resserrer les rangs autour de nos valeurs.
La nécessité d’être militant, vous y êtes attaché ?
Le militantisme est nécessaire. D’abord vis-à-vis de nos troupes, mais aussi vis-à-vis de nos autorités : mairies ou communautés d’agglos, aussi bien que nos parlementaires. Nous devons nous battre pour continuer à avoir accès à nos terrains de jeux, qui relèvent d’un espace public à partager, qu’il s’agisse de la route ou des espaces de nature.