Épreuves

À Pontchâteau, la vitalité du cyclo-cross français 

À Pontchâteau, les récents championnats d’Europe de cyclo-cross ont montré la vitalité de l’équipe de France, qui s’est accaparé trois titres (relais mixte, junior femmes et junior hommes) et a décroché deux médailles de bronze (juniors hommes et espoirs hommes) Une grosse satisfaction, même si les structures manquent encore à nos élites.

Championnats d'Europe de cyclo-cross 2023

La tempête Ciaran avait soufflé la veille et, ce vendredi 3 novembre, c’est un ciel apaisé qui veillait sur le circuit de Coët Noz, à Pontchâteau. Le championnat d’Europe semblait devoir se dérouler comme prévu.

Le relais mixte entre deux tempêtes 

Au programme de cette première journée, le relais mixte. Le sélectionneur national François Trarieux avait aligné un effectif pour moitié identique à celui du mondial de Hoogerheide. « Histoire d’avoir nos marques », commente-t-il. S’élancèrent donc successivement, par ordre de passage, Aubin Sparfel, Célia Gery, Rémi Lelandais, Electa Gallezot, Joshua Dubau et Hélène Clauzel.

« L’idée c’était de faire un bon start avec nos deux juniors, pour prendre l’ascendant psychologique, puis de tenir le mieux possible avec nos espoirs, charge aux élites de finir fort », reprend le sélectionneur national. Stratégie payante, puisque l’Équipe de France a décroché ce premier titre européen du relais, s’imposant de 33’’ devant l’Équipe de Grande-Bretagne. La performance n’est pas une surprise à proprement parler, mais une réelle satisfaction. « À Hoogerheide, nous avions échoué à 4’’ du podium, ça n’avait pas empêché Léo d’être champion du monde, et Célia de monter sur le podium. Il n’empêche, gagner à domicile, quoi de mieux pour aborder la suite de la compétition ? » 

C’était compter sans Domingos, une nouvelle tempête, qui entre temps s’était glissée dans le déroulement de ces championnats, obligeant les organisateurs à reporter toutes les courses du samedi, au dimanche. 

Briefings en chambre  

Les Équipes de France durent adapter leur emploi du temps et leur approche. Le samedi fut consacré à la seule activité physique possible : étirements peut-être et home-trainer sûrement. Cependant, les coureurs cyclistes sont des êtres routiniers, et le moindre imprévu de dernière minute qui laisse certains de marbre bouleverse sérieusement les autres.

« Il fallait notamment intégrer que toutes les compétitions ayant lieu le même jour, nous n’aurions pas la possibilité de faire normalement nos briefings d’avant-course dans le camping-car, après la dernière reco et le choix des boyaux, explique encore Trarieux. En conséquence, j’ai mené de petits entretiens quasi-individualisés – pour le coup, on avait le temps. J’ai mis l’accent sur la gestion de course. Et, à domicile, autant parler de gestion des émotions. Avoir toute la foule pour soi, c’est bien, mais le cyclo-cross est une discipline de méticulosité, aussi bien en termes de pilotage que d’intensité de l’effort. Il ne faut pas s’emballer, car on risque toujours de partir à la faute ou de commettre l’erreur de se mettre dans le rouge.

C’est un effort tellement limite et tellement bref qu’il ne faut pas exploser sous peine de ne pas s’en remettre. Il fallait donc ré-évoquer tout ça, particulièrement parce qu’on était à domicile et que le public nous serait acquis. Et à plus forte raison parce qu’on partait favoris, en tout cas Célia [Géry, ndr.], ou outsider avec Aubin. Les attentes étaient fortes. »  

Des juniors en or 

Au moins, après le passage de la tempête, le choix des pneumatiques n’était-il pas difficile : le circuit absolument détrempé imposait l’usage de chapes à crampons. Dans cette boue fluide comme de la crème anglaise, Célia Géry dominait son sujet et ses adversaires. Ses qualités de pilotage lui permettaient de prendre un léger ascendant sur sa concurrente Cat Ferguson au bénéfice des premiers virages. Puis la coureuse du VC Rambertois maintenait la pression sur un tour, de sorte à faire craquer ses adversaires, et se constituait un pécule de 25 ou 30’’, qu’il ne lui restait qu’à gérer pour endosser le maillot étoilé. Et de deux pour la France. 

La fête n’était pas finie. Sur le bord du circuit, fidèle à son habitude, François Trarieux parcourait des kilomètres pour être toujours judicieusement placé, et audible de ses athlètes quand il leur passe les consignes. Assisté d’Éric Salvetat, Julien Thollet et Pierre-Yves Châtelon, le sélectionneur national encadrait ses troupes au plus près, pour éviter toute faute d’inattention ou tout emballement intempestif. On le sait, la lucidité s’enflamme au feu de l’effort. 

Encadrement utile, dans la mesure où chez les juniors hommes, nos Français se sont retrouvés sur-représentés à l’avant de la course, ce qui peut presque jouer comme un handicap, car des rivalités bien naturelles risquent de remonter en surface. Mais Trarieux (à qui tous ses coureurs rendent hommage) avait anticipé ce scenario : « Aubin, Paul et Jules, je travaille avec eux depuis l’hiver dernier. Je les avais amenés aux championnats du monde Hoogerheide pour qu’ils se nourrissent de la confiance de Léo. Ils avaient fait des places anecdotiques, mais l’expérience leur a profité. Et puis, comme à 80% de l’effectif global, je leur avais annoncé leur sélection pour les Europe depuis le mois d’août, pour qu’ils se préparent sereinement au lieu de s’épuiser à gagner leur place. » Au final, Aubin Sparfel s’impose au Hongrois Zsombor Takacs, et à… son coéquipier Jules Simon.

Deux tricolores sur le podium, « c’est juste fou » lâchera le nouveau champion d’Europe. Il y a mieux encore : 1er, 3e, 6e, 8 et 9e, les Français sont cinq dans les dix premiers ! Même si pour l’heure le passage dans les catégories supérieures est encore contrarié par un déficit de structures professionnelles dédiées à la discipline, qui oserait nier la densité du vivier français ? 

Lelandais, un espoir en bronze 

La course U23 rapportera encore une médaille de bronze au clan tricolore, en la personne de Rémi Lelandais.  Une belle satisfaction pour un coureur qui retrouve le chemin de son meilleur niveau, après que son cursus universitaire eut un peu ralenti sa progression « Pendant deux ans, Rémi n’avait pas d’horaire aménagé, dit encore Trarieux, il a validé ses études mais il a pris un peu de retard sur certains concurrents étrangers qui, eux, sont professionnels depuis lors. Il a passé un cap lors de sa saison sur route. Il avait un beau calendrier, il a fait le Tour de l’Avenir avec le comité AURA – une semaine de course à ce niveau, ça compte. Puis il est parti en stage d’altitude à Tignes. Ce qui semble avoir payé, après une petite inquiétude au moment de la reprise. »  

On sait que chez les élites, les résultats sont plus difficiles à obtenir, eu égard à ce décalage « culturel » avec les nations comme la Belgique et les Pays-Bas, où le circuit professionnel est établi de longue date. François Trarieux en veut pour preuve les parcours comparés de Clément Venturini (lequel était absent à Pontchâteau, et reprendra sa saison de cross en décembre) et de Michael Vanthourenhout, qui a conservé son titre : « En juniors Michael était derrière Clément, en espoirs il était au même niveau. Mais lui est payé pour faire du cyclo-cross. » 

Dans une discipline typiquement européenne, le niveau sportif de ce championnat est presque celui d’un Mondial. Il faut donc rendre hommage à la 14e place de David Menut, à la course d’Hélène Clauzel.  

Et tirer un coup de chapeau à la « résilience » d’organisateurs bousculés par la tempête… mais pas Bretons pour rien !