Verbatim – Yves Thomas, organisateur de la Pointe du Raz Ladies Classic

Ce jeudi 8 mai se déroule la troisième édition de La Pointe du Raz Ladies Classic, seconde manche de la Coupe de France Élite Femmes FDJ 2025. Mais au-delà de son importance dans la hiérarchie sportive, au-delà des difficultés – et des beautés – du parcours de 143km tracé entre ladite Pointe du Raz et Plouhinec, l’épreuve se distingue par l’esprit de ses organisateurs, soucieux de déployer toutes les dimensions d’une telle manifestation : éthiques, écologiques (« RSO », donc) et humanistes (n’ayons pas peur des mots), avec lesquelles le sport de haut niveau n’a rien de contradictoire. Voilà pourquoi nous avons choisi de retranscrire ici, la parole « nue » d’Yves Thomas, président de l’association organisatrice.
« C’est une jeune course. Je voulais euh avoir des personnes étrangères au milieu du vélo. La trésorière n’est pas sportive, elle n’aime pas ça – eh bien, dans son poste elle est super investie et efficace. La personne qui s’occupe de nos réseaux sociaux aime bien le sport, mais ne connaît rien au vélo. Alors, parfois ce qu’elle publie peu sembler un peu étrange, dissonant, mais justement ça apporte une autre façon de voir, ça ouvre l’esprit ! Il y a plein de membres comme ça dans l’association, dont le travail n’est pas « pollué », si j’ose dire, par des enjeux affectifs – mais qui approchent le cyclisme à travers l’association.
C’est une course exclusivement féminine, et je tenais à ce que le plus possible de femmes soient aux postes à responsabilité. Ainsi au bureau, je suis le seul bonhomme. Je suis président, j’ai une vice-présidente, une trésorière, une trésorière adjointe et une secrétaire. Nous sommes cinq. Par ailleurs dans le reste de l’association, nous sommes à parité. Et ce n’est pas de l’affichage, les femmes qui nous rejoignent savent très bien qu’il y a beaucoup de travail, que je suis un peu fou, et qu’on essaie de faire l’impossible !
Trois ans en arrière, trois ans seulement, on était une épreuve régionale. On est passé à « international pro » cette année. Ben voilà, c’est parce que tout le monde se décarcasse, y compris les bénévoles.
La RSE, vous dites ? Je ne cherche pas à m’inscrire dans un cadre ou une cause. J’essaie d’agir de bon sens, c’est tout. J’avais demandé qu’on ne remette pas de coupe, ni de fleurs. Je ne vous cache pas que d’abord, il y a eu un grand silence dans la pièce. Mais les fleurs, le plus souvent elles viennent du Kenya, et ce sont des fleurs coupées évidemment. Et les trophées, les coupes, tout ça ça vient de Chine, sur ces gros bateaux polluants. Nous, on a fait faire des médailles en bois, fabriquées à trente bornes du lieu d’arrivée, et en lieu de bouquet on donne aux lauréates un plant de bruyère, parce que c’est emblématique de la Pointe du Raz. Quand elles rentrent, elles peuvent le replanter !
Dans le même esprit, que peut être l’objectif de la cérémonie protocolaire, si ce n’est la mise en avant des produits locaux ? On a des boîtes de pâté Hénaff, et des médailles en chocolat, préparées par un chocolatier local. On a eu des paniers en osier tressés par une association. C’est une façon de mettre en avant le local et d’être respectueux de l’environnement. Pareil pour les dossards : maintenant c’est fourni par le chronométreur, mais jusque-là on utilisait des dossards en tissu recyclé.
Les voitures, sur la course, elles sont soit électriques, soit hybrides – c’est une exigence. Même chose pour la restauration, on fait tout nous-mêmes – on n’achète pas de plateaux repas ou je-ne-sais-quoi.
Est-ce que je me sens écologiste ? Je ne revendique pas d’étiquette. Pour moi c’est juste responsable. Sur la question environnementale, le milieu du cyclisme est parfois pointé du doigt. Non sans raison sans doute. En tout cas pourquoi pas, en effet, dépoussiérer un peu les choses ? Par ailleurs, l’aspect RSE, c’est aussi une bonne manière d’aller chercher des partenaires. Le seul fait qu’on soit explicitement et uniquement une course femmes nous attire déjà du monde.
De plus, on organise des randos pédestres ou cyclistes, dont nous reversons la moitié du droit d’inscription à une association qui soutient les femmes atteintes de cancers du sein. Nous nous sommes aussi rapprochés du centre intercommunal d’action sociale, et avec eux nous allons collecter pour lutter contre la précarité menstruelle – c’est un sujet tabou, mais les serviettes hygiéniques représentent un budget important pour les gens aux revenus modestes !
On profite du prisme de la course pour s’impliquer dans la vie locale, et venir en aide. On ne se contente pas d’organiser un évènement sportif, en passant. D’organiser « égoïstement. » Je suis attaché à l’idée que notre sport, qu’on pratique pour se faire plaisir, peut et doit aussi être utile à d’autres choses. »